Pour le bien-être du cheval, la progression du cavalier.

Le cheval, un animal social

Largement démocratisée par Andy Booth, la notion des « 3F », a en réalité été théorisée par la spécialiste en comportement équin Lauren Fraser. Avec ces 3F, elle fait référence à : Friends (amis) / Freedom (Liberté) / Forage (Fourrage).

Les 3F sont désormais reconnus comme étant des besoins fondamentaux pour le cheval. Les résultats de nombreuses études remettent ainsi en question des pratiques courantes et usuelles en terme d’hébergement et de gestion des chevaux, souvent influencées par nos valeurs humaines et notre définition du confort. Ainsi, il est désormais acté qu’une vie en box individuel, sans sortie au pré ou paddock, avec trois repas de céréales par jour ne sont pas des conditions de vie adéquates pour un équidé. 

Dans cette série d’articles, nous vous proposons d’expliquer cette notion des 3F mais aussi d’aller voir du côté des choses possibles à mettre en place pour répondre au mieux aux besoins spécifiques des équidés. 

F comme FRIENDS

Dans le cadre de la domestication, les chevaux sont souvent hébergés de manière individuelle. Ils sont généralement seuls dans un box et, lorsqu’ils bénéficient de sortie en paddock, seuls également. C’est une pratique courante, inscrite dans les usages depuis des décennies pour plusieurs raisons. Ce mode d’hébergement permet de limiter les risques de blessure. Par ailleurs, nourrir des chevaux en groupe n’est pas toujours aisé. Enfin, il est plus facile pour les gens à pieds de manipuler les chevaux en dehors d’un groupe de manière sécuritaire. 

Pourtant, les chevaux sont des animaux de proie sociaux. A l’état sauvage, ils vivent en groupe relativement stable composés de trois à douze membres, rarement plus. Ils font leurs propres choix concernant la conception du groupe, ainsi que les relations et les interactions qu’ils peuvent avoir en leur sein. 

En réponse à cet état de fait, on entend souvent : « Oui, mais les chevaux ne vivent plus à l’état sauvage depuis longtemps ! Ils se sont adaptés au fil du temps à leur mode vie. La moitié ne survivrait pas si ils étaient relâchés dans la nature ». Et c’est sûrement vrai. Il n’en reste pas moins que les nombreuses études menées sur le sujet montrent que le manque d’opportunités sociales a des effets directs sur le bien être des chevaux. Les chevaux ne bénéficiant pas de contacts sociaux suffisants peuvent developper une vigilance accrue, des stéréotypies (tic à l’appui, à l’air, à l’ours…), des états dépressifs, ou encore montrer des difficultés lors des manipulations en main et/ou des séances de travail. Evidemment, ils ont également plus de chance de développer de mauvaises compétences sociales. Enfin, leur taux de cortisol est plus élevé ce qui peut notamment indiquer un niveau de stress élevé et induire une hypertension artérielle, un dysfonctionnement du système immunitaire, un apprentissage et une mémoire altérés ou encore une agressivité accrue. Bref, que des choses très sympas quoi !

De l'aménagement des écuries à la vie en groupe : de nombreuses possibilités

Une fois ces informations prises en compte, on fait quoi ? Si votre cheval est hébergé en box/paddock et que vous ne souhaitez pas changer ce mode de vie, la première étape est de vérifier qu’il a la possibilité de voir, toucher, sentir et entendre d’autres chevaux pendant la majeure partie de la journée (douze heures minimum). Ainsi des boxes séparés par des barreaux ou des grilles, offrent un meilleur contexte de vie aux chevaux que des écuries entièrement fermées. Dans la même idée, les chevaux placés en paddock individuel se sentiront mieux si ils partagent une clôture directe avec un paddock adjacent.

Si après réflexion, vous souhaitez tenter de mettre votre cheval en groupe, quelques questions sont à se poser en amont. La première : « ai-je bien mesuré la balance bénéfices-risques/compromis » ? Pour la liste des bénéfices, je vous renvoie au paragraphe précédent. Pour les risques et compromis, il est utile d’être objectif. Si votre cheval est ferré des quatre pieds, il faudra très certainement le déferrer des postérieurs. Rares sont les pensions qui acceptent les chaussures derrière, bien que certaines tolèrent les fers plastiques. Vous avez également plus de chance de retrouver votre cheval avec quelques blessures si il est en groupe. Sans parler de grosse blessure (qui n’ont pas plus de risque d’arriver seul ou en groupe), il faut s’attendre à l’avoir souvent avec quelques égratignures (ici, on appelle ça « rayer la carrosserie »). Souvent rien de grave, mais il faudra être attentif aux petites morsures, coupures et consorts et prendre le temps et l’habitude de les désinfecter, voire d’y appliquer une petite crème cicatrisante. Il vous faudra aussi être prêt à accepter que son matériel soit parfois abimé par les autres chevaux. Les couvertures de pluie et anti-mouche ont généralement une durée de vie plus courte après quelques coups de dents du copain. Meme refrain pour les masques anti-mouche. Enfin, selon le caractère de votre cheval, il pourra être possible qu’il soit difficile à séparer des autres. Certains équidés, et encore plus lorsqu’ils ont été privés de contacts durant longtemps, développent ce que l’on appelle une anxiété de séparation. Cette situation arrive moins souvent lorsque les chevaux sont plus de deux dans le groupe, ne serait-ce que parce que ceux restant au pré étant plusieurs, ils n’appellent pas celui qui part. C’est pourquoi aux écuries, nous préconisons des groupes de trois minium. Malgré tout, il faudra peut être prévoir un travail sur la séparation du groupe avec votre cheval. Rien d’insurmontable, mais il faudra s’armer d’un peu de patience et de beaucoup de rigueur dans le processus ! Si vous êtes prêts à endurer ces compromis, parce que vous avez la conviction qu’ils apporteront plus de bénéfices à votre cheval que de soucis pour vous, alors lancez-vous.

Si votre cheval vit déjà en groupe, cela n’empêche pas de questionner son environnement pour être sûr de répondre au mieux à ses besoins. L’espace dédié est-il suffisant par rapport à la taille du groupe ? Tous les chevaux ont-ils accès aux ressources (eau, foin éventuellement, abri…) ? Dans certaines configurations, afin que chaque membre du groupe puisse profiter de la nourriture et de la zone de repos, il peut être utile d’en disposer en plusieurs endroits. Cette attention est d’autant plus importante pour les chevaux vivant au pré H24. Le troupeau est-il stable ? Une composition du groupe relativement constante et des intégrations des petits nouveaux faites progressivement aident à établir puis à maintenir une structure sociale et des relations familières entre les membres du groupe. Enfin, la composition du groupe prend-elle en compte le tempérament et le caractère des chevaux ? Assurez-vous de pouvoir procéder à quelques ajustements si votre cheval ne trouve pas sa place au sein d’un groupe. Naturellement, les chevaux forment des troupeaux par affinité, c’est à dire qu’ils vont se rapprocher des chevaux qui leur plaisent et s’éloigner des chevaux qui leur déplaisent. Il peut être délétère pour le cheval de subir le choix imposé des humains en terme de relations sociales.

Aux Rouges, ça se traduit comment ?

Ici, nous constatons les bénéfices des opportunités sociales depuis longtemps, notamment sur des chevaux sensibles et anxieux. Combien se sont trouvés apaisés, et ainsi plus disponibles lors des interactions avec l’humain, tant à pied que monté ? Combien ont vu leurs stéréotypies diminuer voir disparaitre ? Combien, qui avaient du mal à prendre de l’état ont stabilisé leur poids sans les gaver ? C’est pourquoi nos chevaux personnels vivent tous en groupe. Actuellement, ils sont H24 en prairie mais ça n’a pas toujours été le cas, notamment lorsque les installations à notre disposition ne le permettaient pas. Il n’empêche que toujours, nous avons cherché à intégrer les rapports sociaux dans leur quotidien, que ce soit lors des sorties journalières au paddock, ou lors de temps libres à plusieurs dans le manège. 

Qu’en est il des chevaux de propriétaire ? Et notamment de ceux qui ne souhaitent pas que leurs chevaux vivent avec d’autres ? Ils sont évidemment les bienvenus ! Nous sommes convaincus que ce n’est pas en créant des guerres de chapelle que l’on fera avancer les choses. Nous proposons donc des pensions boxes/paddock individuel avec des boxes qui permettent de toucher les voisins et des paddocks organisés pour inciter aux contacts. Avec l’espoir qu’à force de voir d’autres chevaux conjuguer vie en groupe et sport en toute sérénité, leurs propriétaires aient envie d’essayer un jour ! 

Si a contrario vous souhaitez mettre votre cheval en groupe chez nous, nous prendrons le temps de l’intégrer correctement. Un temps conséquent lui sera laissé dans des paddocks jouxtant différents groupes afin de déceler avec quels autres équidés il a le plus de chance de s’entendre. Enfin, nous mettons un point d’honneur à offrir assez d’espace aux différents groupes pour que les intégrations n’obligent pas le petit nouveau à rester collé au groupe existant le temps que les relations se tissent. 

Ce sujet de relations sociales est inhérent à celui de temps passé dehors, au pré. La liberté de mouvement est par ailleurs un autre besoin fondamental du cheval, et fera l’objet d’un autre article très prochainement ! 

Sources

Bartlett, E. et al., A Preliminary Comparison Between Proximity and Interaction-Based Methods to Construct Equine (Equus Caballus) Social Networks. Journal of Veterinary Behavior. 2022.

Cooper, J., and McGreevy, P., Stereotypic Behaviour in the Stabled Horse: Causes, Effects and Prevention Without Compromising Horse Welfare. The Welfare of Horses. Springer Netherlands, Dordrecht. 2007.

Fraser, L., The Horse’s 3 F’s: Friends, Forage, Freedom Pt 1. Equine Behaviourist. 2012.

Hothersall, B., and Casey, R., Undesired Behaviour in Horses: A Review of Their Development, Prevention, Management and Association with Welfare. Equine Veterinary Education. 2012.

Lesimple, C. et al., Stall Architecture Influences Horses’ Behaviour and the Prevalence and Type of Stereotypies. Applied Animal Behaviour Science. 2019.

Sigurjónsdóttir, H., and Haraldsson, H., Significance of Group Composition for the Welfare of Pastured Horses. Animals. Multidisciplinary Digital Publishing Institute. 2019.

Søndergaard, E., and Christensen, J. W., The Effects of Social Environment on the Behaviour of Young Horses. Horse Behaviour and Welfare. Wageningen Academic. 2007.

Visser, E. K. et al., The Effect of Two Different Housing Conditions on the Welfare of Young Horses Stabled for the First Time. Applied Animal Behaviour Science. 2008.

 

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